Interview avec Natacha Paquignon – Space Dances
Space Dances a débuté l’année dernière en collaboration avec le CCO.
Ce projet est une capsule numérique qui nous plonge à travers la réalité augmentée dans l’exploration de la Rayonne.
Afin de mieux comprendre la genèse de ce projet, nous avons interviewé la chorégraphe à l’origine de cette création : Natacha Paquignon.
Tout au long de l’interview, vous pourrez mieux comprendre les motivations et les enjeux qui ont animé Natacha et qui lui ont permis de créer un projet autant en adéquation avec notre temps.
Peux-tu nous expliquer l’origine du projet ?
“Tout d’abord, ce projet est le fruit de réflexions que j’ai depuis des années concernant la relation du corps à l’environnement. De plus, à notre ère du tout numérique, j’ai trouvé intéressant de chercher comment le corps entrant en relation avec les outils numériques nous incite à de nouvelles écritures. L’idée est de détourner des outils qu’on utilise tous les jours, smarthphones et tablettes tactiles. On les utilise souvent tous de la même manière, on exploite les mêmes applications, pour aller vite, gagner du temps. J’avais donc envie de détourner l’usage de ces outils pour qu’ils nous permettent de découvrir l’espace, de prendre le temps, et qu’ils nous incitent à regarder pas seulement sur l’écran mais aussi autour de nous. Et puis, ce qui m’intéresse, c’est d’associer l’écriture de la relation du corps à la technologie à une écriture in situ habituellement liée à la performance live. Ce questionnement que je porte sur la notion de frontière entre corps et environnement, entre corps et technologie, entre intérieur et extérieur, est nourri par ma pratique du Qi Gong.”
Comment as-tu été amenée à collaborer avec le CCO ?
“Le CCO est un partenaire de longue date, il soutient la compagnie depuis longtemps dans le cadre de résidence artistiques et de diffusions de mes pièces. Je suis en quelque sorte voisine du CCO Jean-Pierre Lachaize puisque je fais partie de l’équipe du lieu Toï Toï Le Zinc. J’y développe la programmation danse, et un projet de création partagée qui mêle danseurs professionnels et amateurs. Je travaillais avec mon groupe à une création partagée sur la notion de frontière quand le CCO m’a sollicitée pour répondre à la demande du Foyer APAJH Le Pré Vert : mettre en place une activité danse. Je leur ai proposé de faire partie de ce projet de création partagée . Ils ont tout de suite accepté ! Ce premier projet a confirmé mon envie de créer un groupe mixte qui mélange danseurs professionnels et amateurs, dont certains sont en situation de handicap : le groupe Vertoï. . Le CCO est partenaire de ce groupe et des projets qu’on développe depuis le début.
Quand j’ai imaginé Space Dances, j’ai proposé au CCO un Space Dances qui lui ressemble : une création participative, avec des scènes co-créées avec des groupes de danseurs différents. Fabien, chargé de l’action culturelle au CCO, a tout de suite été intéressé car ce projet fait aussi lien avec les activités du CCO : le Fab Lab solidaire, les ateliers numériques, …
La première scène a été réalisée l’an dernier avec des enfants du Centre d’Hébergement d’Urgence Alfred de Musset. Elle marque le début d’un parcours au CCO !
Un enjeu spécifique du CCO est de conserver la trace du bâtiment qui va être complètement transformé, notamment de belles fresques qui vont disparaître. Cette exigence nous a conduit à développer un nouveau type de scène que nous avons appelé « miniature ». C’est tout un espace qui est filmé, et qui se retrouve projeté en réalité augmentée, et en miniature, dans un autre espace. La première miniature a été créée au CCO avec les enfants du CHU.”
“Sur ce projet initial avec le CCO est venu se greffer un projet plus vaste de résidence sur le quartier Buers /Croix-Luizet (quartier historique du CCO) porté par la ville de Villeurbanne et la DRAC Auvergne Rhône-Alpes. Space Dances s’est alors transformé en un projet plus vaste qui relierait deux quartiers de Villeurbanne : Les Buers/Croix-Luizet et l’Autre Soie. Nous travaillons avec des groupes différents dans chaque quartier, de toutes générations (des enfants scolarisés aux Buers, des adultes, des personnes âgées, le groupe Vertoï).
Space Dances me permet de travailler sur la frontière entre mondes physique et immatériel (la personne que je vois dans l’espace à travers mon écran est-elle réellement là ?), et entre réel et virtuel (la vidéo permet de transformer les corps). Chaque groupe crée une partie de l’œuvre globale, un parcours chorégraphique, visuel et sonore entre les Buers et l’Autre Soie.
Il y a un enjeu cartographique qui m’intéresse. Dans Space Dances, le public part à la recherche des espaces où sont cachées des scènes chorégraphiques, des miniatures, ou des paroles d’habitant.e.s. L’œuvre repose sur le développement d’une application mobile de réalité augmentée. Pour ce développement, nous travaillons en partenariat avec MuseoPic. Notre application doit guider suffisamment le public pour qu’il trouve facilement les danses, mais en lui laissant assez de liberté pour qu’il puisse choisir son chemin entre les espaces. C’est une cartographie imaginaire et interactive de Villeurbanne que nous proposons ici. Chaque spectateur.trice construit son parcours au fil de son déplacement.”
Quelles sont les prochaines étapes du projet ?
“Nous avons démarré le Space Dances villeurbannais en août 2019 avec les enfants du Centre d’Hébergement d’Urgence. Nous avons commencé le travail aux Buers avec plusieurs groupes. Le confinement lié à l’épidémie de COVID19 a mis le projet en suspens… En mars, nous avons mené une première résidence avec le groupe Vertoï au CCO La Rayonne. Pour la même raison, nous avons dû reporter la 2e résidence prévue en avril.
Cet été, nous avons prévu de travailler avec un nouveau groupe voisin du CCO pour créer une nouvelle scène chorégraphique qui sera présentée au public pendant les Journées Européennes du Patrimoine en septembre prochain.”
Pour mieux visualiser le projet, vous êtes les bienvenus à La Rayonne. Vous pouvez découvrir gratuitement l’application qui vous révélera la face cachée de ce bâtiment historique.
Alors n’hésitez plus à venir et surtout restez connecté au blog car l’aventure ne s’arrête pas là !
Un grand merci à Natacha Paquignon ! Vous pouvez également consulter son site internet, fraîchement rénové.